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Rider Haggard : She 33

mercredi 23 décembre 2020, par Denis Blaizot


épisode précédent

Ce texte a été publié le 18 mars 1920 1920 dans l’Excelsior. Et vous pouvez le retrouver aujourd’hui sur Gallica.
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SHE (ELLE) 33

Roman de M. RIDER HAGGARD

XXIV (Suite)

Et, pliant le genou en terre devant Léo :

— Vois, ajouta-t-elle, en signe de soumission, je m’incline aux pieds de mon seigneur et maître ! Vois (et elle le baisa sur les lèvres), en signe d’amour conjugal j’embrasse mon seigneur et maître ! Vois (et elle posa sa main sur la tête de Léo), par le péché que j’ai commis, par les siècles d’attente qui l’ont expié, par l’amour que je t’ai voué, par l’Esprit d’où découle toute vie, et où toute vie retourne, je jure d’abandonner le Mal et de chérir le Bien ! Je jure de me laisser toujours guider par ta voix dans le sentier du devoir ! Je jure aussi de t’honorer et de te chérir à tout jamais, ô mon Kallikratès, que le Destin a ramené dans mes bras !

 » Et toi, Holly, tu es témoin de mon serment ! Nous voici donc mariés, cher époux, mariés jusqu’à la fin des temps ! et les vents qui balayent la surface du Monde vont porter jusqu’aux cieux nos vœux solennels !

 » Et, comme cadeau de noces, je te donne ma couronne de beauté, une vie éternelle, une sagesse infinie, une richesse incalculable ! Vois ! les grands de la Terre ramperont à tes pieds, leurs belles épouses ne pourront supporter l’éclat de ton visage, et les sages s’humilieront devant toi ! Tu liras dans le cœur des hommes comme dans un livre, et tu les mèneras selon ton bon plaisir !

 » Tu domineras sur terre et sur mer, sur le paysan dans sa hutte, et sur le monarque dans ses palais, sur les cités couronnées de tours, sur les habitants. Partout où brillent les rayons du Soleil, partout où gronde l’ouragan, du Nord enseveli sous les glaces jusqu’aux rivages du Midi que berce la douce haleine du zéphyr, ton pouvoir s’exercera, tes lois seront obéies ! La maladie, la crainte qui glacent le cœur, l’affliction, les peines du corps et de l’esprit te seront inconnues. Tu seras comme un dieu, tenant le bien et le mal dans le creux de ta main, et moi, même moi, je me prosternerai devant toi !

 » Tel est le pouvoir de l’amour, tel est le Cadeau nuptial que je te fais, ô Kallikratès, mon seigneur et maître !

 » Et maintenant, tout est accompli, et vienne la tempête vienne le Soleil, vienne le bien, vienne le mal, vienne la vie, vienne la mort, rien ne pourra rompre notre union ! — j’ai dit — maintenant, partons d’ici, le Destin nous appelle ! »

Et, prenant une des lampes, elle s’avança vers l’extrémité de la chambre, où elle s’arrêta.

Nous la suivîmes, et quelques instants après nous apercevions un escalier taillé dans la muraille du cône, ou, pour être plus exact, des saillies de rocher qui avaient la forme de marches. Ayesha se mit à les descendre en courant, sautant de marche en marche comme un chamois, et nous la suivîmes, mais avec moins de grâce. Après avoir descendu quinze ou seize marches, nous trouvâmes devant nous une pente abrupte qui se rétrécissait peu à peu, comme les côtés d’un cône renversé. La pente était fort rade, nous pûmes néanmoins la descendre assez facilement à la lueur de nos lampes, quoique ce ne fût guère agréable de s’enfoncer ainsi au cœur d’un volcan sans savoir où l’on allait. Je pris la précaution de noter autant que possible notre route, ce qui n’était pas difficile, grâce aux formes extraordinaires et fantastiques des rochers, dont plusieurs ressemblaient plutôt à des figures de gargouilles qu’à des blocs de pierres.

Après une marche d’environ une demi-heure, je vis que nous atteignions la pointe du cône renverse, deux ou trois minutes plus tard, nous arrivions à un couloir si bas et si étroit que nous fûmes obligés d’y pénétrer en rampant. À quelques mètres de son orifice, le couloir se transformait soudain en une grotte immense, dont nous pouvions à peine distinguer la voûte et les parois.

Poursuivant notre route dans un morne silence, et précédés d’Ayesha, qui semblait voltiger comme un spectre, nous atteignîmes bientôt un deuxième couloir, qui conduisait à une grotte beaucoup plus petite que la précédente. Cette grotte se terminait elle-même par un troisième couloir, à travers lequel perçait un faible rayon de lumière.

J’entendis Ayesha pousser un soupir de soulagement à la vue de cette lueur.

— Tout va bien, dit-elle ; préparez-vous à entrer dans le sein même de la Terre, là où elle conçoit la vie qui se manifeste chez les hommes et les animaux !

Elle s’élança en avant, et nous la suivîmes avec une curiosité mêlée d’effroi. Qu’allions-nous voir ? Nous pénétrâmes dans le tunnel ; la lumière devenait de plus en plus éclatante, projetant sur nous des rayons semblables à ceux d’un phare... Et ce n’était pas tout ; les lueurs étaient accompagnées d’un bruit sinistre, comparable à celui du tonnerre et de branches qui craquent... Ensuite, ô ciel, quel spectacle !

Nous nous trouvions dans une troisième caverne longue d’environ cinquante pieds sur trente de large. Elle était tapissée de sable fin, et ses murailles avaient été usées par l’action d’un élément quelconque. Cette caverne, loin d’être sombre comme les autres, était éclairée par une lumière rosée, d’une douceur et d’un charme incomparables. Soudain, tandis que nous nous demandions d’où pouvait venir cette lueur, un phénomène étrange s’offrit à nos regards. À l’autre extrémité de la caverne, une colonne de feu jaillit avec un bruit sinistre qui nous fit trembler de tous nos membres ! Durant quelques secondes, les flammes tournèrent autour de nous en mugissant, puis le terrible bruit cessa peu à peu, et la colonne de feu s’évanouit — je ne sais où — laissant derrière elle la même douce clarté que nous avions vue tout d’abord.

— Approchez-vous, approchez-vous ! cria Ayesha d’un accent de triomphe. Voici la source de Vie, qui jaillit au sein du grand Univers Voici la substance dont la Nature entière tire son énergie, l’Esprit du Globe, sans lequel la Terre deviendrait morne et glacée comme la Lune ! Approchez-vous, baignez-vous dans les flammes, et que leur vertu pénètre jusqu’aux fibres les plus profondes de votre être !

À suivre

RIDER HAGGARD.

(Traduit de l’anglais par M. Georges Labouchère.)